Diagnostiqué à l’âge de 6 ans, le jeune Belge a suivi un essai prometteur dans un centre de la région parisienne. Après plusieurs années de traitement, son docteur vient de lui annoncer sa guérison.
« Sa tumeur a complètement disparu. On le considère guéri ! » Le docteur Jacques Grill, médecin chercheur au centre de lutte contre le cancer Gustave Roussy de Villejuif (Val-de-Marne), a fait face à un cas unique en son genre. En janvier, il a annoncé sa guérison à Lucas, jeune patient de 13 ans atteint d’un cancer pourtant jugé « incurable ».
Une première ? « Au niveau mondial, je ne peux pas l’affirmer de façon catégorique, tempère le responsable du programme Tumeurs cérébrales mené par l’Institut francilien. Avant, les méthodes de diagnostic laissaient une marge d’erreur. Si des patients guérissaient, on se disait qu’on avait dû se tromper dans l’examen. Désormais, on se sert d’une biopsie, un examen beaucoup plus fiable. Et depuis cela, oui c’est une première. »
Un cancer rare et redoutable
Une victoire face à un ennemi au nom redoutable : le gliome infiltrant du tronc cérébral. Un cancer rare, qui touche une cinquantaine d’enfants et adolescents chaque année. « Le taux de survie à deux ans ne dépasse pas les 5 %, concède le médecin. La tumeur se situe dans une zone fragile et profonde du cerveau, le pont, responsable de fonctions vitales comme la respiration, l’équilibre. Tout acte chirurgical entraînerait des pertes de fonctions neurologiques.»
Pour Lucas, qui vit avec ses parents et sa sœur dans la périphérie de Bruxelles (Belgique), le diagnostic est tombé à l’âge de 6 ans. « Au début, il avait quelques problèmes pour faire pipi. On ne s’est pas trop inquiétés, on pensait que ce n’était pas grave, se rappelle Cédric, son papa, qui travaille dans l’informatique pour la défense belge (1). Et puis, il a commencé à tituber, il était fatigué, avait mal à la tête… »
L’enfant passe une IRM de contrôle. Le résultat est sans appel. « On est abattus, parce qu’on connaît déjà les statistiques à propos de cette maladie… » Son issue est alors fatale, souvent dans les neuf à douze mois suivant sa découverte.
Un essai, un espoir
Sous l’impulsion du Dr Jacques Grill, un essai clinique a été mis en place. Il est proposé aux enfants atteints de cette tumeur. Biomède, l’essai en question allie un médicament, l’évérolimus, choisi pour soigner certains cancers et tumeurs au cerveau, à ces séances de radiothérapie. « Normalement, on se contente de la radiothérapie. Mais, seule, elle n’offre pas de chance de guérison à long terme. Elle ne fait que calmer les symptômes et en général, la maladie revient au bout de six mois », déplore le chercheur.
« On nous l’a directement proposé. C’était notre seule option, donc on l’a acceptée», raconte Cédric. Six semaines plus tard, « gonflé à la cortisone » pour masquer les symptômes et diminuer l’inflammation, Lucas peut enfin débuter l’essai.
La radiothérapie s’étale sur trente sessions. La prise du traitement, elle, va durer cinq ans. Un bouleversement pour le quotidien de la famille. « On a pris des congés pour être avec Lucas à Paris. Pendant les deux premiers mois, sa maman restait avec lui et je faisais les allers-retours depuis Bruxelles chaque week-end. » Puis Lucas a retrouvé un semblant de vie normale et a repris le chemin de l’école, « avec son bobo à la tête », qu’il avait dû quitter pendant plusieurs mois.
« Je ne suis pas sûr qu’il était conscient de la situation, souligne le papa. À 6 ans, on ne lui a pas fait un cours de statistiques médicales. Tant que ça allait pour lui, que l’on traitait les symptômes, ça ne lui semblait pas si différent. »
« On a vu la tumeur disparaître »
Au fur et à mesure que la fréquence des visites à Paris s’allonge, un mois d’abord, puis deux et ainsi de suite, l’état de Lucas semble se stabiliser, voire s’améliorer. « La tumeur avait diminué avec le traitement. Au fil des IRM, nous l’avons vue disparaître petit à petit. »
Les motifs d’espoir s’enchaînent. Au moment de rédiger une nouvelle ordonnance, le docteur se rend compte que Lucas, devenu ado, a cessé de prendre son traitement: « Il lui restait des médicaments en réserve, alors que je lui prescrivais la dose exacte. » Il propose au jeune patient d’arrêter définitivement la prise médicamenteuse.
La maladie reste stable, jusqu’à ce jour de janvier où l’on explique à Lucas, désormais âgé de 13 ans, qu’il est officiellement guéri. « Après cinq ans, on ne voyait déjà plus que la cicatrice de sa biopsie, sa maladie avait disparu. Il fallait sauter le pas. »
Avancée scientifique majeure ou cas unique ? Le docteur reste mesuré. « Très peu de patients sont dans le même cas. Lucas avait des cellules tumorales dont la mutation les rendait très sensibles au traitement. Il faudrait réussir à mettre les cellules des autres enfants dans la même situation. Le chemin sera encore long. »
La famille de Lucas peut enfin « prévoir à nouveau des vacances », confie, soulagé, Cédric. Et pour l’avenir ? L’adolescent « se verrait bien youtubeur ! »
(1) Le père de Lucas n’a pas souhaité donner son nom.
OUEST FRANCE – l’article ici
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