ONC201 est le premier médicament d’une nouvelle classe d’anticancéreux qui cible le métabolisme énergétique des cellules cancéreuses. Il est en développement clinique uniquement aux Etats-Unis pour les enfants et les adultes en rechute d’un gliome malin de la ligne médiane. Une autorisation de mise sur le marché accélérée dans cette indication est en cours de préparation auprès de l’agence américaine du médicament. Jusqu’à présent, il n’était pas accessible en France, le laboratoire CHIMERIX, le fabriquant, n’étant pas en capacité de fournir le médicament en Europe.
La mise en place d’un protocole d’utilisation thérapeutique compassionnel, développé par l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM) et Gustave Roussy, autorise dès aujourd’hui son utilisation en France dans des conditions sécurisées et encadrées.
Ce que l’on sait déjà du médicament
ONC201 a montré des signaux d’efficacité chez des patients en rechute d’une tumeur cérébrale maligne de la ligne médiane avec mutation H3K27M, notamment chez 30 % des patients atteints d’une tumeur du thalamus. Il est possible que ce médicament soit aussi efficace dans des tumeurs situées dans d’autres régions du cerveau, notamment sur les gliomes infiltrant du tronc cérébral de l’enfant avec mutation H3K27M, même si l’activité ne semble pas aussi importante que pour les tumeurs thalamiques. Environ 400 patients avec tous types de cancer ont eu accès à ONC201 aux USA depuis plus de 5 ans ce qui a permis de définir la dose recommandée, la tolérance et de voir des premiers résultats d’efficacité encourageants, tant chez les enfants que chez les adultes porteurs d’une tumeur thalamique.
Alors que le développement de ce médicament continue aux USA, le laboratoire n’a pas de programme en Europe pour les patients en rechute. Le programme compassionnel ONC201 permet d’y remédier en France. Le protocole BIOMEDE 2.0 en préparation avec CHIMERIX en France et en Europe comparera l’efficacité d’ONC201 avec celle d’everolimus associés à la radiothérapie chez les patients enfants, adolescents et adultes atteints de ce type de gliome dès le diagnostic. BIOMEDE 2.0 sera ouvert aux inclusions au début de 2022.
A qui s’adresse le protocole compassionnel ?
Enfant, adolescent ou adulte en rechute d’un gliome malin de la ligne médiane de haut grade avec mutation H3K27M ou une autre altération équivalente. Celle-ci est recherchée sur une biopsie tumorale soit par séquençage de l’ADN tumoral, soit par un test d’immuno-histochimie. Le séquençage permet d’identifier d’autres mutations qui peuvent avoir un impact sur l’efficacité du médicament ONC201 mais également d’ouvrir d’autres options thérapeutiques en développement dans le cadre d’essais cliniques. Ce protocole compassionnel a été validé par les deux sociétés savantes impliquées, la Société Française de lutte contre les Cancers de l’Enfant et de l’adolescent (SFCE) et l’Association des Neuro-Oncologues d’Expression Française (ANOCEF) pour les adultes.
Qu’est-ce qu’un protocole d’utilisation thérapeutique compassionnel ?
Un protocole d’utilisation thérapeutique compassionnel permet d’avoir accès à un traitement expérimental lorsqu’il n’existe pas d’autre option thérapeutique (médicament autorisé ou en évaluation dans un essai clinique) et que les données disponibles sur le médicament font penser qu’il pourrait apporter un bénéfice au patient.
Comment avoir accès au protocole d’utilisation thérapeutique compassionnel ?
Toutes les informations et les contacts sont dans le protocole d’utilisation thérapeutique compassionnel sur le site de l’ANSM.
Le médecin qui suit le patient adresse une demande à la RCP moléculaire nationale. Le diagnostic neuro-pathologique et moléculaire est confirmé par le réseau INCa RENOCLIP avant discussion de chaque dossier médical en RCP moléculaire nationale. Au cours de la RCP composée de médecins, de biologistes et de neuro-oncologues sont examinés l’histoire de la maladie, la situation clinique du patient, les traitements antérieurs et les résultats du séquençage tumoral pour définir la ou les meilleure(s) option(s) thérapeutique(s) possible(s) au moment de la rechute. Le séquençage de la tumeur peut en effet faire apparaitre d’autres mutations qui pourraient être ciblées par des thérapies, en particulier des combinaisons, en cours d’évaluation dans un essai clinique. Les différentes options thérapeutiques disponibles sont discutées et hiérarchisées. Le médecin traitant, qui participe à la RCP, est informé de ces recommandations et décide avec le patient/sa famille de prescrire ONC201 ou un autre traitement. L’ONC201 sera uniquement accessible aux patients dont le dossier aura été évalué et validé par la RCP nationale.
Comment s’obtiennent les gélules d’ONC201 ?
Le médecin référent oncologue du patient prescrit le médicament et envoie sa prescription via sa propre pharmacie hospitalière à la pharmacie hospitalière de Gustave Roussy qui expédie en retour le traitement dans l’hôpital où est habituellement suivi le patient. Le patient y récupère son traitement pour le prendre à domicile. L’envoi des gélules est réalisé en moins de 5 jours ouvrables après la réception de la prescription.
Comment le médicament est-il administré et conservé ?
ONC201 se présente sous forme de gélules à avaler. Il est fabriqué à deux dosages, 25 mg et 100 mg afin d’ajuster les quantités en fonction du poids du patient. Il doit être pris une fois par semaine, à jeun et en dehors des repas. Les gélules sont conservées à température ambiante.
Pendant combien de temps faut-il suivre le traitement ?
Il n’y a pas de durée établie, le traitement doit être pris tant qu’il est bien toléré et efficace. Les données disponibles indiquent qu’il est bien toléré, à part quelques troubles digestifs peu sévères qui pourront être pris en charge à l’aide d’un traitement complémentaire sur prescription du médecin oncologue référent.
Comment le traitement par ONC201 est-il financé ?
Il n’y a aucun coût financier pour le patient et sa famille. Le traitement est entièrement pris en charge par l’Assurance Maladie dans le cadre du protocole compassionnel. Dans le cadre de l’essai BIOMEDE 2.0, c’est le laboratoire CHIMERIX qui fournira gratuitement le médicament.
Quel est le suivi dans le protocole compassionnel ?
Le suivi s’effectue par le médecin qui a fait la prescription. Ce médicament n’ayant pas encore d’autorisation sur le marché, l’enjeu en terme de pharmacovigilance est fort. C’est pourquoi, les données de suivi recueillies par le médecin seront colligées par l’étude SACHA, sous réserve de la non-opposition des patients/parents/titulaires de l’autorité parentale. L’objectif de l’étude SACHA est en effet de colliger la tolérance et l’efficacité d’un nouveau médicament lorsqu’il est rescrit en dehors de son indication ou à titre compassionnel.
Est-ce que les patients actuellement traités par radiothérapie seule ou par everolimus associé à la radiothérapie (actuellement le meilleur traitement possible pour toutes les tumeurs malignes de la ligne médiane, démontré dans l’essai BIOMEDE 1.0) pourront avoir accès à l’ONC201 ?
ONC201 est une option thérapeutique pour tout patient et toute patiente dont la tumeur progresse après un premier traitement contenant de la radiothérapie. Les patients actuellement traités par radiothérapie seule ou par radiothérapie associée à l’everolimus pourront avoir accès à ONC201 dans le cadre du protocole compassionnel si la prise en charge initiale devient inefficace et la tumeur progresse cliniquement ou radiologiquement.
Qu’en est-il des patients à qui on vient d’annoncer le diagnostic et qui n’ont pas encore été pris en charge ?
Le traitement compassionnel par ONC201 est uniquement disponible pour les patients dont la tumeur progresse après au moins un premier traitement contenant de la radiothérapie. C’est l’indication (tumeurs thalamiques) pour laquelle une demande d’autorisation est en préparation aux USA. Il n’y a pas de données autorisant et justifiant la prescription d’ONC201 au diagnostic, en dehors du cadre d’un essai clinique.
En 2022, l’essai international BIOMEDE 2.0, promu par Gustave Roussy, sera ouvert aux inclusions en France pour les enfants, les adolescents et les adultes, nouvellement diagnostiqués d’un gliome malin de la ligne médiane avec mutation H3K27M. Cet essai clinique aura pour objectif de démontrer si ONC201 + radiothérapie est supérieur ou non au meilleur traitement actuellement démontré, everolimus + radiothérapie. Pour cela, l’un des deux traitements sera choisi par tirage au sort pour chaque patient. En cas de progression tumorale sous traitement, les patients ayant reçu everolimus pourront être traités par ONC201. Les patients ayant reçu ONC201 pourront recevoir everolimus. Ils pourront aussi se voir proposer de participer à un essai thérapeutique s’ils sont éligibles.
Comme pour tout essai clinique, la participation à BIOMEDE 2.0 se fera sur proposition du médecin et après consentement libre et éclairé du patient, ou de ses deux parents/titulaires de l’autorité parentale pour les patients mineurs, qui auront au préalable été informés.
Dans l’essai BIOMEDE 2.0, dont l’ouverture est prévue en 2022, c’est le médicament ONC201 fabriqué par CHIMERIX qui sera prescrit. Chaque patient participant à BIOMEDE 2.0 aura donc accès à ONC201 soit au diagnostic, soit au moment d’une progression tumorale. Ainsi, les patients participants à BIOMEDE 2.0 ne seront pas concernés par l’accès compassionnel à ONC201 au moment d’une progression tumorale après radiothérapie.
La recherche de mutation H3K27M est-elle indispensable ?
La recherche de mutation H3K27M ou d’altération moléculaire équivalente est indispensable car elle confirme le caractère malin de la tumeur. De plus, il n’a pas été retrouvé d’activité du médicament lorsque la tumeur ne présente pas cette mutation.
Peut-on rechercher la mutation dans une prise de sang ou dans le liquide céphalo-rachidien ?
Il est possible de rechercher la mutation H3K27M dans le liquide céphalo-rachidien mais le risque est important de ne pas la détecter alors qu’elle est bien présente. Il n’y a pas actuellement de données sur la présence de la mutation dans le sang circulant (biopsie liquide) qui pourrait se substituer à l’analyse de la tumeur. De plus, le séquençage à partir de la biopsie tissulaire va générer un grand nombre d’informations complémentaires très importantes pour la discussion au cours de la RCP (réunion de concertation pluridisciplinaire) moléculaire nationale.
C’est pourquoi une biopsie tumorale est nécessaire pour pouvoir prescrire ONC201.
Comment est-il possible de fabriquer le médicament dans la pharmacie de Gustave Roussy ?
Un médicament est breveté et protégé par le laboratoire pharmaceutique qui le commercialise jusqu’à l’arrivée des génériques. Le principe actif qui entre dans sa composition est une matière première comme ONC201 non protégée par un brevet. La loi française autorise les pharmacies hospitalières à faire des préparations magistrales en achetant cette matière première et en respectant les règles de bonnes pratiques de préparation hospitalière pour répondre au mieux aux besoins thérapeutiques des patients, en l’absence de traitement ou de formulation adaptée commercialisée.
Pour faire des préparations magistrales d’ONC201 dans le cadre du protocole compassionnel, l’équipe de la Pharmacie de Gustave Roussy et l’ANSM ont d’abord trouvé un fournisseur du principe actif. Ensuite, la qualification pharmaceutique a été réalisée avec l’ANSM. Les analyses en spectrométrie de masse et résonnance magnétique nucléaire ont confirmé qu’il s’agissait bien d’ONC201, dans sa forme active, et que la pureté était de 99,5 %. En général, de par la loi, les principes actifs dans les médicaments commercialisés doivent avoir une pureté supérieure à 98 %. La pharmacie de Gustave Roussy prépare les gélules d’ONC201 et les expédie dans les pharmacies des établissements de santé où sont pris en charge les patients.
Par Gustave ROUSSY – l’article ici